C'est un beau roman

Avec toutes mes sympathies : ce frère qu’elle adorait

Je lis ses papiers depuis de nombreuses années,  je suis tombée quelquefois sur ses chroniques sur France 2, je l’ai écouté dans L’émission Le masque et la plume, alors c’est la voix d’Olivia de Lamberterie qui m’a lu Avec toutes mes sympathies.  Ce livre sera associé à jamais à St Malo, à cette chambre comme une alcôve dans une location de vacances,  aux cris des goélands par la fenêtre et à l’impression que l’auteur était dans la même pièce que moi.

Je lis comme je respire, j’ai mes rituels, je commence par la page 66 pour voir si l’ouvrage en vaut la peine puis je dévore. J’adore cette existence parallèle, cette réalité augmentée.

C’est une tarte à la crème d’écrire que les livres ont une grande importance pour Olivia de Lamberterie, pourtant jusqu’à présent elle n’était que d’un seul côté, celui du lecteur. Est ce paralysant de prendre la plume quand son métier est de lire les plus grands auteurs ?  Ou est ce qu’il faut avoir vécu un « drame » pour que la nécessité d’écrire soit si impérieuse qu’on ne puisse faire autrement ? Je me souviens de Paul Auster dans l’émission La grande librairie racontant combien il a été marqué par ce camarade de classe foudroyé devant lui, je me souviens de l’interview très riche de John Irving dans America expliquant pourquoi certains thèmes sont centraux dans son oeuvre. Olivia de Lamberterie, elle, à la mort de son frère Alex, a vu son rapport au livre changer : incapable soudain de lire quoique ce soit, elle a été saisie du besoin d’écrire. Pour tenir une promesse comme elle explique, pour continuer à faire vivre celui dont elle était si proche, Avec toutes mes sympathies a vu le jour.

Je n’ai pas de frère, je n’ai pas perdu de sœur pourtant en lisant Avec toutes mes sympathies, j’avais un frère et il est mort. Je suis peut être un peu plus empathique que d’autres personnes mais un livre réussi n’est ce pas avant tout savoir rendre universel un drame pourtant très personnel ?

Olivia de Lamberterie exprime avec justesse cette impuissance face à une maladie assez proche de la bipolarité (j’ai pensé forcément à L’autre qu’on adorait de Catherine Cusset d’où mon titre). Ce frère brillant a « objectivement » tout pour être heureux mais il sombre dans la dépression dont les racines semblent être familiales (plusieurs cas de suicides sur plusieurs générations) et l’amour de ses proches, aussi grand soit-il, ne suffit pas à lui maintenir la tête hors de l’eau.

Olivia de Lamberterie met aussi le doigt sur quelque chose que j’ai ressenti lors d’un événement triste dans ma vie (même si beaucoup moins grave que la perte d’un être cher) : je trouvais insupportable les mots des gens qui se voulaient réconfortants avec des phrases toutes prêtes (le fameux « c’est la vie » et son cortège). Je n’acceptais d’entendre que celles qui étaient passées par la même épreuve que moi et elles, seules pouvaient , à mes yeux, me comprendre.

Dans Avec toutes mes sympathies, Olivia de Lamberterie parle de son milieu bourgeois (avec humour et en l’égratignant parfois ), de ses souvenirs d’enfance, de son quotidien en tant que responsable de la rubrique livres de Elle (elle évoque aussi ses débuts de manière touchante), de son amour des livres, de Montréal (cela donne franchement envie d’y aller …en évitant d’y être malade). J’ai aimé pousser chaque porte de son univers et ce beau portrait d’un frère surdoué, drôle, sensible, créatif, torturé, chéri et admiré.

Un rien m’entame, un rien m’enchante, ai-je coutume de dire. La bonne blague, tout m’entame. Ma tête est folle et pleine d’effroi. Dans une interview pour le New York Times, Emmanuel Carrière affirme qu’on ne doit écrire que les histoires que personne d’autre ne pourrait écrire. Ce legs immatériel que tu m’as laissé vaut de l’or. Ce truc si important pour moi, oser, moi douteuse de tout et d’abord de moi-même. Ce livre qui n’aurait jamais dû exister, puisque que tu n’aurais jamais dû mourir.

4 Comments

  1. Olivia de Lamberterie qui un jour de 2012 avoua au MP qu’elle faisait lire à son mari certains livres qu’elle chroniquait … Et que ce dernier avait conclu à la fin de la lecture de « La vérité sur l’affaire Harry Quebert » « c’est mal traduit en français ». De l’art d’être caustique en toute ingéniosité !

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