C'est un beau roman

Chercher l’amour : un récit, un roman

Les deux derniers livres que j’ai lus sont très éloignés l’un de l’autre mais ils ont au moins un point commun, tous deux ont en point de mire, ce thème qui ne cessera jamais de faire couler de l’encre : l’amour ! Dans Tokyo Crush, Vanessa Montalbano le cherche sur Tinder et au Japon. Dans Les archives des sentiments, Peter Stamm met en scène un documentaliste qui décide de reprendre contact avec son premier (et seul ?) grand amour.

Tokyo Crush ou comment une jeune femme française explore le Tinder japonais

Vanessa Montalbano est arrivée au Japon dans le cadre d’un PVT, programme vacances travail. Elle pensait ne rester qu’un an, cinq ans plus tard elle vit toujours au Japon. Entre temps, elle a appris à parler japonais (cela me paraît assez fou mais elle maîtrisait très peu la langue – qui parait très compliquée avec ces nombreux registres entre autres – quand elle est arrivée ), elle a cherché du travail et en a trouvé et elle a rencontré beaucoup d’hommes japonais via les applications de rencontres. Si au moment de publier ce livre, elle n’avait pas trouvé l’amour, toutes ces rencontres sont devenues un formidable « terreau » pour parler des relations hommes femmes au Japon, des manières d’aimer là-bas (et ailleurs ?) et plus largement de la société japonaise.

N’ayant jamais utilisé les applis de rencontre, Tokyo Crush a été pour moi doublement « dépaysant » : découverte de la façon de se rencontrer et de se choisir, spécificités du Tinder japonais. Saviez vous par exemple que sur leur profil, les japonais indiquent très souvent leur groupe sanguin, celui ci étant considéré comme très influent sur le caractère ?

Saint Valentin et White Day un mois plus tard, love hôtels, bar avec hosts (l’équivalent des bar à hôtesses mais pour les femmes), choix du restaurant, à travers ses rencontres, Vanessa Montalbano nous plonge dans un pays où j’ai été frappée par la façon où chacun est rangé dans des catégories très précises : ainsi les furaneman désignent des hommes qui traînent sans but , les hoso macho sont des hommes fins mais à la musculature dessinée (mieux vus que les hommes très musclés vu comme des hommes futiles), les herbivores (appelés ainsi par rapport à leur régime alimentaire supposé faire d’eux des hommes doux), les choux farcis (des herbivores qui cachent des personnalités de carnivore..).

Je me demande si passer l’envie d’exotisme que doit susciter une jeune femme française (et les complexes aussi comme l’explique Vanessa Montalbano, mais je vous laisse découvrir ça), s’il est possible d’avoir une sincère et profonde histoire d’amour avec un ou une japonais quand la langue est si subtile (la séduction ne passe t -elle pas par la parole ?) et quand les deux cultures sont si différentes ?

Tokyo Crush est découpée en courts chapitres alors il se lit vraiment très vite et facilement !

Les archives des sentiments ou peut-on mettre ses sentiments amoureux dans un dossier ?

C’est la chanson de Souchon, A la machine, que j’ai en tête en écrivant ces lignes

Passez notre amour à la machine
Faites le bouillir
Pour voir si les couleurs d’origine
Peuvent revenir
Est-ce qu’on peut ravoir à l’eau de Javel
Des sentiments
La blancheur qu’on croyait éternelle
Avant

Pour retrouver le rose initial
De ta joue devenue pâle
Le bleu de nos baisers du début
Tant d’azur perdu

Alain Souchon

Sauf qu’entre le narrateur et Franziska dans Les archives des sentiments, il n’est pas question de raviver des sentiments amoureux. Il a été amoureux d’elle quand il était beaucoup plus jeune mais leur histoire a été une suite d’occasions manquées. Aujourd’hui alors qu’il classe des archives dans sa maison, il tombe sur le dossier « Franziska », celle ci ayant été une chanteuse de variétés et décide de reprendre contact avec elle.

J’avoue qu’au début j’ai été un peu désarçonnée par ce narrateur/personnage, un peu « vieux garçon » qui vit seul, est enfermé dans un tas de petites habitudes, ne veut que rien ne change et passe ses journées à classer des informations dans des dossiers et semble vivre sa vie par procuration.

« Résister au passage du temps, ne pas se laisser emporter par le flot des transformations. Impression que je vis dans mes souvenirs comme dans cette maison dans un éternel présent, où rien ne disparait, où tout pâlit peu à peu, s’empoussière, se dissout. »

« Je n’ai jamais fait que collecter, trier, ordonner ce que d’autres ont vécu et écrit. »

A moins que ce soit la plume de Peter Stamm, assez mélancolique, qui m’ait surprise. Et puis j’ai perçu son humour, j’ai aimé la poésie de ses trouvailles (un dossier pour classer tous les bruits que font l’eau) et je n’ai quasi plus refermé le roman.

Alors qu’il a passé une partie de sa vie comme documentaliste à ordonner des informations dans des dossiers, le narrateur se rend compte que ses propres souvenirs sont embrouillés, pas classés, voire faux. Est ce par peur de souffrir, par protection, qu’il donne l’impression d’être toujours spectateur de sa propre vie, comme pas réellement impliqué ni touché ?

Toute ma vie me semble brusquement misérable, j’ai l’impression de ne jamais avoir vraiment vécu, comme si je n’avais fait que regarder les autres vivre en attendant que quelque chose arrive. Et rien n’est arrivé !

Et la magie de la littérature, de la plume de Peter Stamm et de Pierre Deshusses son traducteur, c’est que ce narrateur qui, initialement, m’agaçait, il m’a ému ! J’ai beaucoup aimé la façon dont l’auteur dans Les archives des sentiments (titre magnifique non ?) se déjoue des codes du roman sentimental pour mieux le réinventer. Très envie de lire d’autres titres de cet auteur !

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