Lionel Shriver aurait-elle écrit ce livre si elle n’avait pas eu un frère obèse mort prématurément ? quelle part d’elle même y a t-il dans le personnage de Pandora, cette femme d’affaires qui ne reconnait pas son frère Edison quand il arrive sur un fauteuil roulant à l’aéroport où elle est venue le chercher ? quel rapport a-t-elle avec son poids, thème central du livre ? C’est ce genre de questions que je me suis posée en refermant Big Brother. En tous cas, l’écrivain sur les photos que j’ai pu voir ici et là est très mince et athlétique…peut-être a t-elle mis aussi un peu d’elle dans le personnage de Fletcher, le mari de Pandora, obsédé par sa ligne et par les calories, servant à table à sa famille les mets les plus « healthy » possibles (mais pas franchement bons) et montant sur son vélo pour aller se dépenser dès que possible.
Big brother c’est l’histoire d’un couple avec enfants à la vie bien rangée, assez monotone qui voit débarquer un élément perturbateur. En effet Edison dérange avec sa surcharge pondérale, il ne passe jamais inaperçu où qu’il aille, il faut adapter les lieux, le frigo se vide à vitesse grand V. C’est comme si on ne le voyait plus comme une personne mais uniquement comme une grosse personne …sans volonté (on ne vous l’a jamais servi celle là ?), sans limite, qui se remplit (pour combler quoi ? ) sans plus connaitre vraiment la faim et qui, Lionel Shriver n’y va pas par quatre chemins, fait honte. Il y a ceux qui se moquent, ceux qui font comme si de rien n’était, ceux qui ont ce regard désapprobateur en permanence, ceux qui ne peuvent s’empêcher de donner des conseils diététiques, ceux qui essaient à tout prix de trouver une cause, une seule raison et chacun des personnages incarne un peu chacune de ses réactions.
La couverture anglo-saxonne laisse plus prédire la suite que la couverture française puisque la seconde partie du roman bascule dans un régime, le régime le plus draconien qui soit à base de sachets de poudre à diluer tellement immondes qu’on serait tenté de les verser directement dans l’évier (je peux d’autant plus en parler que j’ai déjà suivi ce genre de régime débile ). Pandora s’engage avec son frère dans une guerre contre les kilos et tout un coup il n’est plus question de préparer quoique ce soit à manger, de sortir avec des amis, de fêter des événements autour d’une table (en somme la perte de toute sociabilité). L’auteur décrit parfaitement le fait, quand on commence à perdre du poids et que cette perte est significative, de se sentir en quelque sorte « supérieur » aux autres parce que capable de ne pas manger ou très peu, ce sentiment d’invincibilité soudain et en même temps la peur de regrossir, la peur de ne pas savoir comment « remplir » à nouveau sa vie une fois que ce nouveau défi sera gagné.
Je ne sais pas si on lit le même roman quand on est en paix avec son corps et avec son poids. Par ailleurs si le thème central de Big Brother est la nourriture et l’obésité, il est aussi question des rapports frère-soeur, mari et femme, de célébrité et de la façon dont gérer celle-ci.
Pourquoi faut il lire le roman Big Brother ? parce que Lionel Shriver ne se contente pas de confirmer, avec l’esprit de provocation qu’on lui connait, son talent d’écrivain, elle assomme son lecteur avec un twist final complètement inattendu.
(avec ce titre, je participe au challenge 1% de la rentrée littéraire )
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bises et bonne semaine à toi