C'est un beau roman

Celle qui n’aurait jamais pensé aimer un livre sur la pêche

Si on m’avait dit un jour tu liras un livre dans lequel il est question de pêche et tu ne trouveras pas cela ennuyeux du tout, j’aurais peut-être eu du mal à le croire. Heureusement les livres et les écrivains talentueux sont là pour bousculer nos idées toutes faites et nos certitudes. Le guide de Peter Heller parle pas mal de pêche puisque le personnage principal, Jack, est guide de pêche à la mouche (autant vous dire que je ne connaissais pas l’existence de ce métier avant d’ouvrir le roman) et qu’au tout début de l’intrigue, Jack commence un nouveau travail dans un domaine pour des clients fortunés dont l’activité principale consiste à pêcher.

Je n’ai pas pu m’empêcher de penser au traducteur, une traductrice en l’occurrence, Céline Leroy (en 15 ans, elle a traduit, entre autres, Laura Kasischke, Rachel Cusk, Karl Geary, Maggie Nelson, et Deborah Levy) face au vocabulaire très précis et particulier de la pêche à la mouche. De mon côté, j’ai noté pas mal de mots avec l’idée d’aller voir à quoi ressemblent, par exemple, une sèche ou une nymphe et puis prise par le livre, je ne l’ai pas fait mais cela n’a pas gêné ma compréhension de l’histoire.

Si je n’ai pas trouvé ennuyeuse les scènes de pêche, c’est d’abord parce que l’écriture de Peter Heller m’a tout de suite complètement séduite et que j’ai l’impression qu’il aurait pu me parler de n’importe quoi, cela n’aurait pas détourné mon attention. J’ai trouvé dans ce qu’il écrit sur la pêche des échos à des activités personnelles qui me procurent le même bien-être, le même type de sensation à savoir être si immergé alors dans ce que l’on fait qu’enfin le flot incessant de pensées qu’on a dans la tête n’existe plus.

Le guide

Et puis n’allez pas croire que Le guide soit une succession de scènes de pêche très contemplatives avec un fil narratif très tenu. Si les descriptions de la nature dans ce domaine situé dans les montagnes du Colorado sont des petits bijoux à elles seules, Peter Heller distille un malaise dès le début du roman. Jack, s’aperçoit en effet très vite, que quelque chose ne tourne pas rond dans cet endroit protégé et à l’écart du reste du monde. La tension grandit à mesure que Jack et sa cliente Alison (dont il tombe sous le charme) découvre de nouveaux éléments.

Si j’ajoute que Peter Heller a l’art de donner corps à des personnages attachants par leur passé (d’après ce que j’ai compris le personnage de Jack et un des drames de sa vie est au cœur d’un des précédent romans de l’auteur), par leurs relations (ici amoureuse avec Alison), par leur psychologie très fine, vous comprendrez que Le guide est un gros coup de cœur.

Appât sur la canne à pêche (pour moi en tous cas), les descriptions de ce que mangent Jack et Alison sont particulièrement appétissantes. Peter Heller est il un fin gastronome ?

Et après ?

Si ce qui touche à la traduction vous intéresse, l’émission Par les temps qui courent a consacré un « épisode » à Céline Leroy

Les autres livres de Peter Heller (que je n’ai pas lus mais que j’ai très envie de découvrir maintenant) : La constellation du chien; Peindre, pêcher et laisser mourir; Céline; La rivière.

Extraits du guide de Peter Heller

« Si Jack avait une réponse en tête, elle resta coincée dans sa gorge comme des glaçons avalés de travers. »

« Le ciel couvert se disloquait, les ombres des pins glissaient sur le pare-brise, et revenaient parfois en formant une courbe, ils avaient le soleil rasant dans les yeux qui les faisaient grimacer jusqu’à ce qu’ils se retrouvent dans l’ombre. L’air frais se déversait par les vitres baissées. Il embaumait la forêt après la pluie.

« Elle lui prit la main qu’il avait posée sur le levier de vitesse et la plaça près de son oreille, et il sentit le tracé courbe de sa mâchoire et la chaleur de son cou, et elle embrassa l’intérieur de son poignet. Puis le creux de sa main, et il passa la main dans ses cheveux et inclina son visage vers lui. A cet instant, il n’y eut plus de pub bondé, plus d’hommes en casquette noire, uniquement eux deux dans l’obscurité et il se sentit chuter. Presque comme s’il tombait dans une grande hauteur sauf que la sensation était chaude plutôt que froide et il murmurait, respirait et elle l’enveloppait, et il continuait de tendre la main vers elle, continuer de tomber, puis il s’abandonna à sa bonté et il devient sourd et muet.

Le guide, Peter Heller

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