Si vous avez Canal +, j’espère que vous avez regardé hier soir le documentaire sur le gaspillage alimentaire, Global Gachis, et si c’est pas le cas, vous avez raté le charmant Tristram Stuart (regardez moi ce port de tête !) et son non moins charmant anglais (on ne se refait pas).
Alors même que je ne suis pas très branchée chiffres, je vais être obligée d’en donner quelques uns car ils paraissent tellement énormes qu’on a du mal à y croire.
[typography font= »Lobster » size= »22″ size_format= »px »]La France, le mauvais élève ? [/typography]
En France, on jette 90 kg de nourriture par an, la moitié étant des fruits et des légumes non commercialisables car imparfaits pour le consommateur. Concombre pas assez droit, carotte tordue, une maraichère confie qu’on peut arriver, pour des raisons purement esthétiques et pour répondre aux normes de l’Union Européenne, à jeter 20 à 30% de la production. Ces normes esthétiques ont été supprimées en 2009 mais les distributeurs, trois ans plus tard, n’en tiennent toujours pas compte.
Le gaspillage dans les les supermarchés reste un sujet tabou et on comprend pourquoi quand on sait que cela représente 850 000 millions d’euros soit 6 fois le budget des restos du cœur. Certains hypers vont jusqu’à javelliser leurs déchets par hantise de l’intoxication alimentaire ou peur des pilleurs.
[typography font= »Lobster » size= »22″ size_format= »px »]Équateur : non mais laissez moi, mangez ma banane[/typography]
Ah Tristram revient à l’écran ! l’homme qui, pourtant ne regarde pas, suppute qu’il n’est pas épicurien étant donné la ligne qu’il a (juste jaloux quoi). Direction l’Equateur, le pays de la banane puisqu’elle fait vivre un équatorien sur 7 (qui n’en raffole pas, c’est ballot quand même ?). Si deux bananes sont collées, si elles ne sont pas calibrées comme le cahier des charges le mentionne, si la grappe est trop petite, la banane finit au mieux en consommation personnelle ou pour les bêtes. Le gouvernement a mis en place un programme pour qu’une partie des récoltes des invendus soit distribuée dans les écoles de la région. Un début timide mais plus qu’un geste symbolique, surtout quand on sait que la plupart des enfants arrivent à l’école sans avoir pris de petit déjeuner.
[typography font= »Lobster » size= »22″ size_format= »px »] En Inde, tout doit disparaitre [/typography]
En Inde, le problème numéro 1 n’est pas l’exigence esthétique comme dans les pays riches mais l’absence de logistique. 1 indien sur cinq a faim alors que le pays produit assez pour être auto-suffisant. Il importe même une grande partie de ce qu’il consomme. Sur le marché le plus important du pays, équivalent de Rungis, tout doit être vendu dans la journée. Tous les jours pourrissent au sol de quoi nourrir 600 000 personnes. Aliments écrasés dans les camions, contenus des sacs répandus au sol, produits très périssables à cause de la chaleur, les causes sont repérées mais les solutions sont encore à trouver.
[typography font= »Lobster » size= »22″ size_format= »px »]Etats-Unis : le grand gaspillage mais des actions pour changer [/typography]
Comme on peut s’en douter, les foyers américains sont les champions du gaspillage alimentaire, le coût de celui-ci représentant par foyer et par an 600 euros. Néanmoins, des prises de conscience individuelles ont permis la naissance d’initiatives dont on pourrait tirer modèle ailleurs. A New York, l’association caritative City Harvest travaille avec 40 restaurants de luxe et leurs invendus ou restes. Cela permet de distribuer 6000 à 7000 repas par jour dans 5 foyers à travers toute la ville et en plus c’est bon !
La ferme de Storn Barns a tiré les leçons de l’agriculture intensive, de cette course au produit bon marché au détriment de la qualité et incompatible avec le respect de l’environnement. Elle est aujourd’hui un modèle d’agriculture raisonnée.
[typography font= »Lobster » size= »22″ size_format= »px »]Le Japon, le roi du recyclage des déchets alimentaires[/typography]
Peut-être parce que le pays importe 60% de sa nourriture, le japon, depuis 10 ans, a réglementé de façon très stricte les déchets. Odakuy, un des conglomérats du pays, a mis en place un système de recyclage alimentaire. Les déchets alimentaires sont triés, broyés et la mixture est revendue à des éleveurs de porcs, nourrissant 8000 cochons. Les producteurs concernés ont donc cessé l’alimentation aux céréales et en plus cela leur coûte moins cher.
Encore plus surprenant peut-être, car loin de nos pratiques actuelles, une chaîne de supermarchés produit son compost avec ses déchets alimentaires (il a payé les installations nécessaires), elle l’offre aux fermiers sans en tirer de bénéfices si ce n’est en terme d’images.
Enfin un autre moyen de valoriser les déchets alimentaires est de transformer ceux-ci en énergie, cela permet aujourd’hui pour l’entreprise citée en exemple de produire de l’électricité pour 2400 foyers.
[typography font= »Lobster » size= »22″ size_format= »px »]Londres, une tonne de nourriture récupérée de la décharge chaque semaine [/typography]
L’époque est telle qu’il faut parfois des actions « spectaculaires » pour qu’elles fassent parler d’elles comme un curry géant servi à 5000 personnes et préparé avec 800 kilos de légumes sauvés de la décharge ou bien encore l’image selon laquelle chaque année, on gaspille à Londres suffisamment de nourriture pour remplir 2000 bus à étages !
2014 sera l’année de la lutte alimentaire en Europe, espérons que derrière les mots, la prise de conscience soit en marche.
31 Comments
Personnellement, je suis vraiment alarmée et sceptique depuis déjà un bon moment sur la façon dont nos sociétés occidentales et capitalistes fonctionnent, c’est à dire couplée au modèle de croissance et de surconsommation, basée sur la dette mondiale des pays, sur les spéculations.
Les industries sont devenues trop puissance et génèrent trop d’entropie, tout comme nos modes de vie sur cette terre.
Dans un monde où les ressources sont limitées, il est mathématiquement et physiquement impossible de continuer à croître exponentiellement. Donc, on court vers l’effondrement d’un système général d’ici 20 ou 30 ans. Je te conseille de lire les analyses du chercheur Dennis Meadows, qui avait prédit tout ce qu’il se passe actuellement depuis 1972 dans ses travaux « The Limits to Growth »
Le fait est qu’on produit beaucoup trop et on consomme trop de tout et de n’importe quoi, donc on gâche.
Ce n’est pas l’inverse qu’il faut faire. ça ne sert à rien de donner le surplus pour se donner bonne conscience. Il faut produire moins, pour consommer moins, pour gâcher moins, pour utiliser moins de ressources , pour polluer moins, pour enfin limiter notre empreinte écologique de façon à ce qu’elle puisse rester soutenable pour cette planète.
A force, ce n’est pas seulement des aliments qu’on gâches, car du u gaspillage il y en a effroyablement partout, notamment pour ce qui concerne l’énergie, les ressources en matières premières (l’eau par exemple)
ce qui veut dire que tout le processus est gangrené.
Je pense qu’il faut vraiment que les citoyens de ce monde commencent à se rendre compte de ce qui est entrain d’arriver. Tous les facteurs sont liés, et ce n’est donc en rien anodin si nos systèmes financiers sont aussi entrain d’être destabilisé (crises, dettes, etc).
Les modes de vies vont d’ici 20 ou 30 ans devoir drastiquement changer, et ce sont les générations futures qui vont certainement en faire les frais.
Il est vraiment difficile de faire changer les mentalités, et la France n’est clairement pas un bon élève pour sûr…
Pour finir, j’aimerais parler du Japon, car depuis mars 2011 la situation est bien pire que celle dont les gens le croient : à cause de Fukushima, une bonne partie de la chaine alimentaire a été contaminée, donc autrement les criminels qui vendent malgré tout de la nourriture contaminée par la radioactivité, je te raconte pas les quantités astronomique de productions agricoles, de terres contaminées pour des siècles, de rizières qui sont gâchées.
Tout cela, c’est à cause de l’arrogance humaine. Il va falloir beaucoup d’humilité pour que les gens de notre époque osent enfin l’admettre, pour reconstruire, réinventer une civilisation moins basé sur les profits, et plus basé sur le respect du vivant.
consommer moins et mieux je te rejoins…mais je pense qu’il y aura toujours des restes (dans les restaurants par exemple) et qu’il faut s’organiser pour que ces restes ne soient pas jetés..
Ce qui est affolant, c’est que l’on en arrive à faire des émissions télé pour rappeler l’essentiel: éviter de jeter. C’est un peu le geste écolo n°1, bien avant d’acheter bio.
Je trouve ton billet parfaitement en rapport avec le doc que j’ai aussi vu hier soir, malheureusement , j’ai pas la même lecture que toi sur le sujet. Au delà de la graviter de la situation les approximations et la légèreté du traitement journalistique de la chose (commencer le doc par dire que le gaspillage alimentaire ne faisait bouger personne en France, c’était prendre leurs fantasmes pour une réalité), m’ont laissé littéralement abasourdi, comme sur l’exemple japonais , prétendre faire du porc bio avec une nourriture non bio et dans un élevage intensif c’est impossible ?
Évidement, le gaspillage alimentaire et tous les gaspillages sont une plaie pour notre humanité mais je ne suis pas certain que ce type de doc , formaté façon clip des année 80 fera changer les mentalités.
tu pars du principe que tout le monde est déjà conscient de ce problème de gaspillage alimentaire parce que tu es toi même militant, entouré peut-être de gens qui se battent pour la même cause mais je suis loin d’être certaine qu’une grande partie de la population soit consciente de l’ampleur de ce gaspillage…
le traitement journalistique est lié il me semble au support même (la télé..même si il y a des traitements très différents mais qui du coup touche probablement un échantillon très restreint de téléspectateurs et déjà convaincus) .je ne regarde jamais les infos à la télé car on est dans la démonstration mais jamais dans l’explication, pour ça je préfère lire la presse écrite (ou en ligne).
pour le bio je n’en ai pas parlé dans le billet car je suis d’accord avec toi je ne vois pas comment on peut faire du bio intensif…
après je me dis (peut-être très naïvement, mais bon laisse moi un peu de naïveté) qu’un documentaire dont on parle au Grand journal (émission avec une forte audience) et peut-être parce qu’il joue justement avec des images chocs peut accrocher l’attention de gens, les amener à se poser des questions et que c’est déjà une première étape…
La prise de conscience est nécessaire et les efforts individuels importants.
Nous essayons de gâcher au minimum, on prend peu à peu des habitudes plus « durables », acheter des grosses conserves de compotes plutôt que des petits pots pour jeter moins d’emballages, par ex.
Et faire au maximum les choses soi-même, les biscuits, gâteaux, repas, pas tjrs facile, Picard est souvent notre ami, mais bon, on essaye, on avance à petits pas…
Mais a l’échelle des supermarchés, que faire contre la logique du fric ? Il faut effectivement des actions fortes ! j’avais vu le reportage d’un mec qui se nourrissait exclusivement ds les poubelles de suoermarché, et qui faisait la fin des marchés avant le nettoyage. pas pauvre, pas forcément = ce sont les Freegan !
http://freegan.fr/lieu_de_travail.php
Super ton article !
je vais aller voir ton lien merci !