Tout a été dit, écrit sur La maison vide, le dernier roman de Laurent Mauvignier . Je voulais quand même laisser une trace de cette lecture que j’ai étiré sur plusieurs semaines (commencé avant que ce titre obtienne le prix Goncourt). Je ne m’attendais à rien, n’ayant jamais lu cet écrivain. Je l’ai vu sur un présentoir dans la bibliothèque où je travaille, je l’ai emprunté et ramené chez moi et dès les premières pages, j’ai eu une sorte d’éblouissement face à l’écriture très sensible de Laurent Mauvignier, à ses longues phrases qui se déploient comme pour vous plonger plus profondément dans l’histoire.
Dans le chapitre d’ouverture, le narrateur, présent dans la maison, écrit sur la chambre aux cerisiers et la façon dont il évoque cet arbre, ses ombres qui griffent la fenêtre, son rôle, sa place est une raison à elle seule d’ouvrir La maison vide.
J’ai quand même pensé intérieurement « Comment va-t-il tenir 750 pages sur une maison ? » (en sachant que les descriptions à la Proust m’ennuient plus qu’elles m’exaltent) et quasiment au même instant, comme si l’auteur lisait dans ma tête, j’ai appris que son père s’était suicidé et que ce roman était une plongée dans une famille avec ses secrets, ses hontes et ses photos de Marguerite, sa grand-mère, dont la silhouette était découpée ou la tête noircie en crayon bic. Désormais je savais que je ne refermerais pas le livre sans savoir pourquoi.

A partir d’objets toujours présents dans cette maison (qui est restée fermée pendant longtemps mais n’a jamais été vendue), Laurent Mauvignier déroule le fil de son histoire familiale, modelant les portraits jamais lisses de ces arrières grands-parents et grands-parents en braquant tout particulièrement son regard sur les femmes de la famille, ses femmes qui ont en commun de n’avoir jamais été vraiment libres de leur destin.
Ce qui m’a frappé au fil des pages d’un roman qui se déguste tout doucement pour en apprécier toute la saveur, toutes les nuances, est la force des images que Laurent Mauvignier créé avec ses mots, ces scènes qui se dressent entre les pages comme s’il les avait vécues. Ainsi cet instant où Marie Ernestine coupe les cheveux de son mari Jules avant son départ à la guerre de 1914 sans un mot échangé entre eux, un instant banal et qui pourtant se fixe dans notre mémoire.

Frappée aussi par les mensonges qui se répètent à chaque guerre. En 1914 tout le monde dit que cela ne durera que quelques semaines. Les mêmes mots ont été prononcés lorsque la guerre en Ukraine a débuté.
Saisie par la volonté constante de l’écrivain de gratter à la surface des attitudes et des comportements pour comprendre les motivations des actes des personnages. Sous sa plume, rien n’est jamais simpliste, binaire et voilà une autre raison de lire La maison vide.

Emue aussi par le destin de Marguerite qui est une enfant jamais aimée par sa mère et qui cherchera toute sa vie ses étreintes qu’elle n’a pas eu enfant, l’entraînant dans des choix tragiques. Lorsque Laurent Mauvignier convoque l’image de son père (un des enfants de Marguerite), enfant et imagine la douleur de celui-ci dans un contexte que je ne vous spoilerai pas, on est cet enfant et on comprend combien cela a du être lourd à porter, combien ce secret à peser sur l’histoire familiale.

Au delà de l’histoire de La maison vide qui se referme sur un objet mis en lumière dès le début, le talent de Laurent Mauvignier à traduire la complexité de la psychologie humaine me donne envie de lire d’autres titres de cet écrivain (mais par lequel poursuivre après ce bijou ?).
La maison vide de Laurent Mauvignier, Les éditions de Minuit.
