L’écrivaine Minh Tran Huy (qui a reçu le prix Marie Claire du roman 2025 avec ce titre) a passé beaucoup de temps enfant avec sa grand-mère paternelle, cette dernière vivant avec ses parents et s’occupant d’elle lorsque ses parents travaillaient. Dans Ma grand-mère et le Pays de la poésie, elle revient sur son histoire (et sur l’histoire du Vietnam que je connais très mal) et se demande comment elle est arrivée en France, comment elle a perdu son mari, pourquoi elle a toujours peur de manquer de tout.
J’ai aimé les contes qui sont présents à plusieurs moments du récit, le premier illustrant le poids du silence dans la culture vietnamienne (n’est ce pas d’ailleurs très fréquent, ces secrets dans les familles ?). Ni sa grand-mère, si son père ne parlent de la fille et la soeur morte alors qu’elle était très jeune.
J’ai appris qu’en Vietnamien un même mot a un sens différent selon l’intonation qu’on lui donne. Il existe en effet cinq accents pour chaque voyelle. Une syllabe peut ainsi se prononcer de sept façons différentes et autant de significations.
Peut-être poursuivons-nous des chemins qui vont de pair, et n’existeraient pas l’un sans l’autre; peut-être n’aurais-je pas pris la plume si tu n’avais pas refusé de prendre la parole.
J’ai aimé particulièrement les pages qui m’ont plongé dans la cuisine vietnamienne « banh day » et « banh chung » (gâteau rond et gâteau carré) confectionnés par les fêtes de Têt au Nouvel An, salade Goï ou pho que préparait sa grand-mère. Minh Tran Huy confie qu’elle n’a pas hérité de son talent culinaire et la seule chose qu’elle sait bien préparer est une version vietnamienne des oeufs brouillés avec un trait de Nuoc-Man.
La narratrice se rend pour la première fois au Vietnam (sans sa grand mère qui s’y rendra bien plus tard) à l’âge de 10 ans et elle écrit le décalage qu’elle ressent entre l’image qu’elle s’était forgée (enchanteresse) et la réalité (le délabrement des rues, des maisons…). Clouée au lit par une sévère intoxication alimentaire, elle découvre néanmoins une autre facette de sa grand-mère, une femme courageuse et pleine de bonté.
Alors qu’elle avance dans l’écriture de son livre, elle réalise ce paradoxe : elle écrit pour quelqu’un qui ne peut pas la lire (sa grand-mère ne lit pas le français et elle, n’a jamais réussi à parler correctement vietnamien).
Ma grand-mère et le Pays de la poésie, Minh Tran Huy, Flammarion.