C'est un beau roman

On a tout l’automne : un bijou de poésie dans le Nunavik

Si vous cherchez un roman dépaysant tant par le décor que par la langue, j’ai exactement ce qu’il vous faut : On a tout l’automne de Juliana Léveille-Trudel. L’histoire se passe dans une région du Québec du Nord, Nunavik, appelé autrefois Nouveau Québec. C’est à Salluit précisément qu’une jeune femme se retrouve pour mener un projet artistique : demander aux élèves de l’école d’écrire des poèmes en inutittut, la langue parlée par la population locale inuit.

On a tout l'automne

Le cadre de l’histoire est loin d’être anecdotique car dans cette région où le climat est rude, la vie de chacun est liée à la météo, elle est même dictée par les rythmes de chaque saison. Juliana Léveille-Trudel restitue superbement la beauté et la singularité de cette région dans ses descriptions, jamais de trop, jamais trop longues mais qui nous immergent dans ce qui ressemble à un bout du monde :

Une fine couche de neige se pose tranquillement sur le sol dénudé, accrochée comme un collet de dentelle sur une robe austère. Au fond de la baie, le soleil se retire déjà, ses rayons parvenant difficilement à percer le mince rideau de flocons.

La jeune femme, personnage centrale du roman, a déjà vécu à Salluit. Elle a déjà travaillé dans l’école où elle se retrouve et revoit certains des enfants qui sont maintenant des adolescents. Son retour la replonge dans son passé et dans son enfance. Dévorée par la peur de perdre ceux qu’elle aime, elle s’inquiète jusqu’à s’en rendre malade pour Maggie, Nathan et Marie. Cet automne à Salluit est pour elle le moment d’apprendre à faire son deuil.

Au delà de l’histoire, ce qui m’a totalement charmé c’est le travail sur la langue. Le récit est parsemé de mots d’inuttitut, une langue à la fois très précise et poétique dans ce qu’elle exprime :

Je trouve que c’est une langue tellement poétique. Les mots construits on n’en a pas en français. Ca ouvre plein de possibilités.

Quelques exemples ?
Kingngup : ressentir le besoin de ce qui a disparu
Ugatsinguaruti : moyen pour faire joliment semblant de parler
Ilirasuk : avoir peur à cause d’une situation sociale gênante.
Pingigak : avoir peur pour quelqu’un d’absent, craindre qu’il lui soit arrivé malheur
Il n’y a pas moins de 6 mots pour décrire la neige ! (cela m’a fait penser à la langue islandaise).

On rencontre aussi quelques expressions québécoises (et je me suis surprise dans ma tête à les lire avec l’accent québécois )) :

Je pige une tablette de chocolat dans la boîte ouverte.
Es-tu correcte, Maggie ? (pour demander comment ça va ? )
Le colis s’est bien rendu ?

Les mots ils sont aussi centraux dans la relation entre l’héroïne et Gabriel qui est resté à Montréal. J’ai trouvé les pages consacrées à leurs échanges téléphoniques particulièrement réussies. Elles disent avec justesse au delà des nouvelles qu’ils échangent, la pudeur de leurs sentiments et leur complexité.

J’imagine les mots qui flottent dans son esprit comme un banc de poissons et lui qui nage quelque part au milieu, confiant d’arriver à saisir celui qu’il faut !

J’espère vraiment vous avoir donné envie de lire On a tout l’automne, ce bijou à déguster tout doucement pour apprécier pleinement la beauté de la plume de Juliana Léveillé-Trudel. Pour terminer cette chronique, je suis allée vérifier si elle avait écrit d’autres livres et chic la réponse est positive. A très bientôt Juliana avec Nirliit.

On a tout l'automne

On a tout l’automne, Juliana Léveillé-Trudel, La peuplade.

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