J’aurais aimé être une artiste (danseuse) mais j’aurais jamais pu être urgentiste. Je fuis autant que je peux les cabinets de médecin (j’ai pas mal d’hypocondriaques dans mon entourage qui sont rassurés quand ils voient des docteurs mais je suis du genre à me sentir déjà beaucoup mieux dès que j’ai un rdv médical ) et lorsqu’il s’agit de l’hôpital, j’ai carrément des sueurs froides. Les quelques fois où j’ai été forcée d’y mettre les pieds pour rendre visite à quelqu’un : 1) je me suis évanouie (celle qui ne comprenait pas le concept de visiteur et de patient )) 2) je ne suis pas d’un grand réconfort craignant l’odeur de l’éther, l’ambiance, les choses que je pourrais apercevoir dans l’entrebâillement d’une porte. Avec les urgences, on franchit encore une étape supplémentaire : je n’y ai que des mauvais souvenirs et une angoisse, à chaque fois, qui vrille le ventre et qui me donne l’impression de suffoquer. Bref à l’idée que des personnes travaillent jour après jour (et nuit) dans un service d’urgences, je suis à la fois admirative et intriguée (comment tiennent-ils le coup psychologiquement ?). C’est justement au sein des urgences que nous invitent Baptiste Beaulieu (cette BD est une adaptation de son ouvrage Alors voilà. Les 1001 vies des urgences ) et D. Mermoux avec l’ouvrage Les milles et une vies des urgences.
Aujourd’hui médecin généraliste et romancier, Baptiste Beaulieu plonge son lecteur dans le quotidien des internes aux urgences de l’hôpital d’Auch où il a exercé. J’ai été trop peu aux urgences (et tant mieux) pour faire une étude comparative sur le comportement des internes avec les patients mais si je base sur mes quelques expériences, l’auteur me paraît nettement plus « chaleureux », « humain » voire empathique que les personnes à qui j’ai eu affaire (je suppose que leur froideur est un moyen de se protéger mais le manque total de psychologie rajoute au stress…j’ai d’ailleurs sur ma table de chevet le livre de Martin Winckler Les brutes en blanc car le sujet m’intéresse ).
Humanité c’est le mot qui résumerait, pour moi, le mieux Les mille et une vie des urgences : celle de Baptiste Beaulieau qui ne traite jamais les patients comme un dossier, un numéro mais s’attache à restituer leur histoire en les rendant unique et singulière. Revenant en quelques planches sur ce qui lui a donné la vocation, il répond aussi au fil des pages à la question : comment tient-il face aux tentatives de suicide, cancers en phase terminale, accidentés de la route …? L’humour est une béquille sur laquelle il s’appuie beaucoup, aussi bien auprès des patients (et de manière assez surprenante ils sont souvent eux mêmes capables de rire de situations pourtant loin d’être drôles) que de ses collègues dont il dresse aussi des portraits forts.
Peut-être que les cas les plus « légers » ( les gens qui prennent des suppositoires par la bouche (si, si), les patientes qui ont perdu l’alliance de leur mari (ahem), ceux qui jouent avec des sex toy ) sont des bulles d’air dans un quotidien qui peut vite devenir asphyxiant, sûrement qu’on vit plus intensément en dehors de ses heures de travail quand on est interne aux urgences.
Les internes ont un sens de l’humour souvent très noir et souvent déplorable. Mais il est à l’image de leur sexualité : ils rient comme ils font l’amour, dans une sorte de « sauve-qui-peut-généralisé ». En prétextant que tout va bien.
Et puis au milieu de toutes les anecdotes que l’auteur nous raconte, l’histoire de la femme Oiseau-de-feu (Baptiste Beaulieu la surnomme ainsi comme il a donné des surnoms à tous ses collègues), est un fil conducteur et le plus bouleversant témoignage de la relation qui se noue, ici, entre médecin et malade.
14 Comments
trouvaille sympa !
https://la-parenthese-psy.com/
http://sinelege.hypotheses.org/366
mais aussi, ceci sur les séries télés :
http://sinelege.hypotheses.org/3340
pas d’hypocondrie pour moi mais un relationnel pas forcément au beau fixe on dira : ) (et quelque chose qui m’angoisse en règle générale)
Comme toi, moins je vois le médecin mieux je me porte, idem pour les urgences mais visiblement mes enfants ne sont pas toujours de cet avis 🙂 Alors, j’ai la « chance » de visiter plusieurs services d’urgences en France… et non, tous les internes , tous les médecins n’ont pas cette humanité… mais certains si, et ceux-là, quand tu es toi dans une situation de stress, tu voudrais leur faire un gros bisou ! (mais j’ai jamais osé 🙂 )
Mais je pense que son bouquin et la BD, ça peut être sympa à lire quand on ne connait pas tout cet univers, de voir tout ça d’un autre point de vue. et c’est sûr l’humour ça fait tout tenir: la fatigue, la mort, les situations graves, pour détendre l’atmosphère, pour ne pas pleurer, pour réussir à continuer sa journée. Et souvent on a des blagues tellement glauques et morbides, qu’on pourrait penser vu d’un oeil extérieur, qu’on est de mauvais soignants, mais je pense que ceux qui n’en rient pas ne tiennent pas…
Et c’est sûr je ne serais pas urgentiste, mais j’aime mon taf, vraiment, vraiment vraiment .
(et pour répondre à ta question sous un autre commentaire, je n’aime pas soigner mes proches, je trouve que je manque de recul et que du coup dans ces cas là, je ne suis pas un bon médecin)
désolée pour le roman
Je viens lire la critique in extenso, quand même … et du coup, je vois que c’est l’adaptation du bouquin que j’ai offert à ma maman l’année dernière …
Bises !
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