C'est un beau roman

A son image de Jérôme Ferrari

Comme son titre le laisse supposer, l’image est centrale dans le dernier roman de Jérôme Ferrari, A son image. C’est un thème qui m’intéresse, encore plus lorsqu’il s’agit de photographie. Suis-je ce qu’on qualifie une photographe amatrice ? En tous cas je me balade rarement sans mon appareil photo et j’essaie d’observer les choses qui m’entourent pour capter le petit détail, la scène, la lumière.

A son image, s’ouvre sur la chute d’Antonia, personnage principal, dans un ravin alors qu’elle rejoignait sa famille dans un petit village corse. Ses funérailles sont l’occasion de raconter sa vie mais aussi les conséquences de sa disparition sur ceux qui restent.

Ce qui m’a frappé au fur et à mesure que je découvrais les longues phrases de l’auteur qui semblent s’enrouler autour de nous, lecteurs, c’est l’absurdité de la vie. Celui qui a offert à Antonia son premier appareil photo à 14 ans, son parrain (le seul qui n’a pas de prénom) est celui qui l’enterre. Elle, qui derrière son viseur, semblait protégée de la peur, n’a laissé derrière elle, aucune photo.

Antonia, en prenant des photos, voulait capter « la vérité », « sa vérité » mais l’auteur ne nous suggère-t-il pas à travers son destin (et aussi celui de deux photographes extérieurs à l’intrigue principale), l’absurdité de la photographie face à la mort ? Les choses existent-elles plus parce qu’on les a photographiées ? A une époque où les images sont en surabondance suffisent-elles à révolter, à éveiller les consciences ? Ne sont-elles pas indécentes quand le photographe préfère prendre une photo que tendre une main à celui qui souffre en face de lui ?

Antonia vivait dans un petit village de Corse, où tout le monde se connait. Enfant, elle est très vite fascinée par Pascal B, membre d’un mouvement indépendantiste. Quelques années plus tard, quand celui ci fait son premier séjour en prison, elle lui envoie régulièrement des lettres et des photos. Grâce à elle, le présent reste immuable :

« revoir aussi tout ce qui, grâce à elle, existait encore au moins sous forme d’images qu’il accrochait aux murs de sa cellule ».

Là encore l’absurdité est tapie. Au fil des années, au sein de ce mouvement indépendantiste corse, la lutte pour le  pouvoir devient plus importante que la lutte pour une cause. Ceux qui étaient hier des frères de combat, sont aujourd’hui des ennemis qui finissent criblés de balles.

Antonia rêvait d’ailleurs (elle partira en Yougoslavie) mais son travail de photographe consiste à immortaliser  des parties de pétanque et les conseils municipaux, de se limiter au plan large pour les articles de la presse locale.

Si j’ ai été plus hermétique à la liturgie très présente et fil conducteur du roman, j’ai aimé dans A son image ce portrait de femme qui s’affranchit des traditions, de la culture corse (en se mettant en couple avec Pascal B. elle n’existe plus que comme femme de..) et se bat pour être plus libre et se réaliser.

 

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