C'est un beau roman

Vous avez demandé la police ?

Il y a des livres dont le titre ne joue pas en leur faveur. Peut être parce que je venais de lire un reportage sur les violences conjugales et la façon dont souvent, encore aujourd’hui, ont fait peu de cas dans les commissariats des témoignages des femmes. Peut être parce que je repensais aux victimes d’erreurs judiciaires suite à un travail bâclé de policiers. Si j’ai finalement ouvert Police d’Hugo Boris, c’était parce que j’espérais être surprise et je l’ai été dès les premières pages en me glissant dans la peau de cette jeune femme policière, Virginie, l’espace de quelques heures.

Pas de ripoux ni de superhéros, des hommes « ordinaires » à la vie professionnelle qui l’est moins tant un flic est amené à voir toutes les misères et les solitudes du monde.

Depuis son entrée dans la police, elle a vu un père enfermer son fils dans un frigo pour le punir et l’y oublier, un détenu des sous-sols du Palais de justice lui cracher au visage pour essayer de lui refiler son hépatite, des Versaillaises à serre-tête de velours se prostituer, une petite vieille de quatre-vingts an se faire défoncer la gueule pour vingt euros, des pendus se vider dès qu’elle les touchait, des victimes du chômage de longue durée perdre l’argent qu’ils n’avaient pas en jeux de grattage, un chat manger les parties molles du visage de son maitre décédé depuis une semaine, les rues de Paris défiler à plus de 110 kilomètres/heure, les traces de sang d’un collègue sur l’ordinateur après qu’il s’était tiré une balle dans l’œil, un enfant survivre à une chute du quatrième étage.

J’ai tout de suite pensé aux internes des services d’urgence, me demandant comment on peut vivre avec cette tension, cette violence quotidienne sans un jour disjoncter.

On pourrait regarder de très loin ces personnages de flic, se dire qu’on n’aimerait pas être à leur place (la mission qui leur est confié consiste à transférer un migrant d’une prison à l’avion qui le ramènera dans un pays qu’il a fui) et en rester là mais l’auteur Hugo Boris est malin. Il prend son temps pour installer son personnage principal féminin pétrie de doutes et d’interrogations communes à n’importe quelle femme et chemin faisant,  rend cette flic plus proche de nous que l’on n’aurait cru. Tout au long du roman, il alterne récit présent et flashbacks pour dresser un portrait attachant d’une jeune mère face à des choix.

Dans Police, les flics ne sont pas des gars fabuleux au grand cœur : le portrait d’Aristide est même plutôt féroce, il n’est pas très finaud mais il n’est pas non plus d’un seul tenant sinon le roman aurait été mauvais.

Et puis il y a ce réfugié dont il aurait mieux valu ne rien savoir pour qu’il reste une affaire parmi d’autres, un dossier à traiter en suivant les ordres et sans se poser de questions, un numéro plutôt qu’un  être humain avec son passé et son histoire mais les choses ne vont pas vraiment se dérouler ainsi… sans pour autant que que l’écrivain amène son lecteur au dénouement le plus attendu.

Pour eux aussi, ce serait plus commode de ne pas regarder ce qu’ils sont en train d’accomplir. Elle comprend pourquoi les enveloppes sont scellées. Ignorer leur contenu permet à ses collègues escorteurs de la COTEP de mieux travailler. On est plus efficace quand on n’a pas trop d’empathie, la distance est plus juste. Les sentiments embarrassent, parasitent le geste.

Bref j’aurais eu tort de m’arrêter au titre d’un livre, Police.

Et pour vous, le titre d’un roman a de l’importance ou pas du tout ?

 

2 Comments

  1. Oh oui il a de l’importance, il m’attire ou me repousse, mais en général je fais plutôt mon choix en fonction de la 4e de couv : si elle est mal tournée, c’est fichu pour moi :-/ . C’est drôle, je me suis arrêtée sur ce livre il y a quelques jours… et le thème m’a fait peur. Tu me confirmes que j’ai eu tort !

    • j’ai toujours peur que la 4ème de couverture m’en dise trop mais je la lis aussi et tout comme toi c’est elle est mal fichue je risque de reposer le livre

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