C'est un beau roman

Repose-toi sur moi de Serge Joncour

Le dernier roman de Serge Joncour sera lié à ces derniers jours d’Août où quelques degrés en moins rendaient l’atmosphère bien plus agréable (même si il faisait encore 30 l’après midi), où je savourais le plaisir de mordre à pleines dents dans des figues gorgées de soleil et ramenées du Sud par des amis, où j’avais du mal à croire que la rentrée, les cartables, les levers de bonne heure, les devoirs, les jours qui raccourcissent seraient bientôt là.

Il n’est pas question d’été dans Repose-toi sur moi. Qu’ils campent ses personnages à Paris ou en pleine campagne, il est plus question de froid, de pluie, de grisaille, de nuits qui tombent tôt et de lumière aux fenêtres, de frissons et de corps tremblants, voire même de neige et de glace.

Les deux personnages (elle, Aurore, styliste dont le nom est aussi une marque reconnue; lui, Ludovic, agriculteur reconverti dans le recouvrement de dettes) sont voisins, ils habitent l’un en face de l’autre mais leurs chemins ne se croisent pas jusqu’où jour où des corbeaux ayant élu domicile dans la cour de leur immeuble, créent une occasion de rencontre.

Elle est rat des villes, il est rat des champs, elle est toujours classe et élégante, il a du mal à trouver des vêtements adaptés à sa carrure, elle semble avoir peur de tout, il affirme que rien ne le gêne, elle est mariée et mère de famille dans un grand appartement, il vit seul dans un petit studio. Bref tout semble les opposer et cela pourrait virer à la comédie romantique à l’eau de rose à laquelle on a un peu de mal à croire.

Sauf que l’écrivain, alternant les voix de son récit (il donne la parole successivement à Aurore et Ludovic),  dessine le portrait de personnages contrastés et qui ne vont pas forcément là où on les attend, qui doutent sans cesse de leur relation pour le moins improbable au delà de leur attirance.

Quand d’un coup on s’embrasse, c’est que vraiment on n’en peut plus de cette distance, même collés l’un à l’autre on a la sensation d’être encore trop loin, pas assez en osmose, de là vient l’envie de se fondre, de ne plus laisser d’espace.

A travers leur histoire, Serge Joncour dit avec justesse et sensibilité la solitude à la campagne comme dans la grande ville (malgré la foule partout), les gens qui tentent de survivre, assommés par les dettes, l’absurdité de la cette société de consommation obsédée par le toujours plus de rendement, de profit et réserve au lecteur un dénouement inattendu.

Parfois, à des carrefours inattendus de la vie, on découvre que depuis un bon bout de temps déjà on avance sur un fil, depuis des années on est parti sur sa lancée, sans l’assurance qu’il y ait vraiment quelque chose de solide en dessous, ni quelqu’un, pas uniquement du vide, et alors on réalise qu’on en fait plus pour les autres qu’ils n’en font pour nous, que ce sont eux qui attendent tout de nous, dans ce domaine les enfants sont voraces, avides, toujours en demande et sans la moindre reconnaissance, les enfants après tout c’est normal de les porter, mais elle pensa aussi à tous les autres, tous ceux face auxquels elle ne devait jamais montrer ses failles, parce qu’ils s’y seraient engouffrés, ils ne lui auraient pas fait de cadeaux. Ils sont rares ceux qui donnent vraiment, ceux qui écoutent vraiment.

 

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