C'est un beau roman

Loch Noir : Peter May nous offre une suite prenante et émouvante à sa trilogie écossaise

Si vous aimez les îles, les paysages sauvages et inhospitaliers, si vous aimez l’Ecosse et les romans noirs d’atmosphère, il faut lire La trilogie écossaise de Peter May. Les trois titres qui constituent cette trilogie existent en poche (je n’ai pas encore lu Le braconnier du lac perdu) ou dans une version « coffret » avec une couverture qui pourrait être, pour moi, un argument d’achat 🙂 Bonne nouvelle, Peter May avec son nouveau roman, Loch Noir, revient sur l’île de Lewis (une des îles Hébrides écossaises) et avec son héros attachant, Fin Macleod.

Le corps d’une jeune femme, Caitlin Black, est retrouvé à l’embouchure d’An Loch Dubh, le loch noir, sur la côte ouest de l’île de Lewis. Fionnlagh, le fils de Fin Macleod et de Marsaili, est accusé du crime et jeté en cellule. Fin Macleod plaque alors son boulot à la police de Glasgow (il passe ses journées à visionner des vidéos violentes) et revient avec Marsaili vers sa terre d’enfance pour aider son fils et mener sa propre enquête.

Le plaisir de retrouver l’île de Lewis et ses paysages atypiques

Est ce que j’ai noté tous les lieux mentionnés par l’auteur au fil de l’intrigue ? Oui
Est ce que je suis allée voir s’ils existent ? et à quoi ils ressemblent ? Encore oui ! et tous sont bien réels si ce n’est le loch noir.

Loch noir


Pierres levées de Callanish, phare de Butt, port de Ness, Crobost, île de Great Bernera, pour mener son enquête, on suit Fin Macleod dans pas mal d’endroits (pour mon plus grand bonheur de lectrice).

crédit photo : https://www.visitouterhebrides.co.uk/

Le plaisir de découvrir des spécificités locales

Autre plaisir de lectrice, découvrir de nouveaux mots et/ou des spécificités liés à la localité. Dans Le loch noir, il est à plusieurs reprises question du machair, mot gaélique qui  « désigne les bords de mer fertiles et de faible altitude que l’on trouve en dans les Hébrides extérieures ». J’ai aussi appris que le gneiss est « une roche métamorphique de la croûte continentale contenant du quartz, du mica, des feldspaths plagioclases et parfois du feldspath alcalin, tous suffisamment gros pour être identifiés à l’œil nu. » (source wikipédia).

Je ne savais pas que les gros « boudins » qui protègent les bateaux du frottement avec les autres bateaux lorsqu’ils sont amarrés et permettent de garder la coque en bon état sont appelés pare-battages.

J’ai aussi passé beaucoup de temps sur un site Le marchand du glen qui explique toutes les étapes de fabrication du tweed de Shawbost et pourquoi il est si particulier (et pourquoi aussi son prix est justifié). Ce savoir ancestral a failli disparaitre et il a fallu une grande mobilisation de la diaspora écossaise, de personnalités politiques influentes pour sauver les usines existantes et pour conserver les 8000 dessins de motifs traditionnels. Ce qui a contribué à la renaissance du Harris Tweed c’est aussi la collaboration inattendue avec la marque Nike (d’où ma photo ci dessus) et une édition limitée de baskets appelés Terminator.

Loch noir

crédit photo : Richard Wesley, wikipedia

Dans une des scènes où le personnage principal se remémore un souvenir d’enfance, il est question du son rare de l’oiseau dit Râle des genêts ou roi caille.  » Le chant du mâle rappelle le bruit d’une crécelle ou celui obtenu en raclant un ongle sur les dents d’un peigne : « crèx crèx » » (Wikipedia)

Un héros confronté à son passé

Une des grandes forces de la trilogie écossaise c’est son personnage principal, Fin Macleod. Dans Loch noir, il est confronté à des souvenirs d’enfance qui ont conditionné les relations futures avec certaines personnes. Le chapitre qui revient sur les expéditions nocturnes avec une bande de garçons pour voler du saumon est particulièrement tendu et réussi.
Sa relation à Marsaili depuis l’enfance est aussi questionnée et son analyse du couple est particulièrement fine.

Depuis quand ne s’étaient-ils pas vraiment parlé, en dehors des nécessités transactionnelles de la vie quotidienne de deux personnes qui vivent ensemble ?

Une sensibilité écologique

Dans son précédent roman qu’il situait dans le futur Tempête sur Kinlochleven, Peter May nous montrait à travers son histoire les effets sur le monde du changement climatique. Dans Loch noir, il nous plonge dans l’univers -j’aurais tendance à dire quasi horrifique – de la pisciculture intensive des saumons avec les bateaux viviers qui traitent les poux, la présence trop nombreuse de méduses (à cause du réchauffement climatique) qui tuent les saumons et les produits qu’on balance dans l’eau toxiques pour l’homme mais qu’on donne aux saumons. J’aurais aimé que cela ne soit qu’un délire de romancier mais visiblement Peter May s’est appuyé sur des faits existants :
L’inquiétante hécatombe des saumons d’Ecosse, victimes du réchauffement des eaux
https://www.maxisciences.com/decouverte/une-video-denonce-l-etat-preoccupant-de-saumons-dans-une-ferme-d-elevage-d-ecosse_art41512.html
Mégaferme de saumon bio en Irlande : catastrophe écolo en vue

Toujours la même histoire on veut produire plus, pêcher plus, consommer plus (rappelez-moi quel est le but ultime de l’IA ?) et c’est aussi la surpêche dans les eaux internationales que dénonce l’auteur.

Mais le vrai problème c’est la surpopulation. Le profit avant le bien être. Dans le passé, une telle concentration de poissons entraînait toutes sortes de maladies. Furonculose, fibrose, ce genre de choses. Les premiers éleveurs avaient l’habitude de mélanger des antibiotiques à la nourriture dans une bétonnière avant de balancer le tout dans les cages. De nos jours, c’est plus scientifique. Les saumoneaux des alevinières sont vaccinés contre un tas de maladies avant même de voir la mer.

[…]
Vous voyez cette jolie couleur rose du saumon qu’on achète en supermarché ? Fausse. Comme Donald Trump et son bronzage bidon. Complètement artificielle. Ils ajoutent à la nourriture un pigment qui s’appelle l’astaxanthine, que le saumon sauvage, lui, absorbe en mangeant des crevettes et du krill.

Et lorsque Peter May met en scène le naufrage des baleines sur une des plages de l’île de Lewis et la tentative désespérée d’une poignée de femmes et d’hommes de les sauver, non seulement on a le coeur qui se serre mais on espère jusqu’à la dernière minute comme on espère que les aveux du fils du héros ne sont pas l’ultime rebondissement.

Loch noir

Loch noir, Peter May, traductrice Ariane Bataille , éditions Le Rouergue.

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