En juin j’ai retrouvé le bonheur de lire sans forcer sur ses yeux, sans avoir l’impression que les lignes flottraient ou que les lettres étaient trop petites …bref j’ai changé de lunettes !
Mon vrai nom est Elisabeth
Adèle Yon n’avait au départ pas le projet d’enquêter sur Betsy, son arrière grand-mère mais juste la volonté de distraire son esprit (obsédé par un homme…dommage d’ailleurs que cette digression reste à la surface, on en saura pas plus alors pourquoi l’évoquer ?). Lors d’un long trajet en voiture avec ses grands parents, elle apprend que Betsy a été longtemps hospitalisée, qu’elle a été diagnostiquée schizophrène et qu’il règne autour d’elle un grand silence.
Est ce pour cela que Jean-Louis a rompu avec tous les membres de la famille avant de mettre fin à ses jours ? Est ce pour cela qu’Adèle Yon a peur de basculer dans la folie ?
Le livre mêle différentes époques, différents types de narration avec des typographie différentes (l’enquête, les dialogues, les lettres manuscrites).
Au fur et à mesure de l’enquête, on comprend qu’Elisabeth était une femme qui aurait pu être heureuse si elle n’avait pas rencontré André qui exigeait beaucoup d’elle, que c’était une femme qui aimait la liberté et qui s’est retrouvée avec 6 enfants alors qu’elle n’en voulait pas. J’étais abasourdie par tout ce que j’ai appris sur la lobotomie et encore plus méfiante de la façon dont on s’occupe des problèmes de santé mentale à travers les siècles. Elisabeth a été enfermée parce que son mari ne la contrôlait pas, parce qu’elle se mettait en colère contre lui. C’est lui qui a autorisé la lobotomie, cette pratique barbare. C’est lui qui l’a fait enfermer pendant 17 ans ! J’ai refermé le livre avec un grand sentiment de rage.
La chair des hommes

Est ce parce qu’elle a toujours aimé les faits divers, nourri très jeune aux romans policiers puis aux récits sur la Shoah (J’ai donc cohabité presque depuis toujours avec l’idée du mal, écrit-t-elle p 31) que Claire Berest a été choisie pour couvrir l’affaire Pélicot pour Paris-Match puis qu’elle a écrit La chair des hommes ?
Convoquant à la fois le peintre Bosch, la philosophe Simone Weil ou l’intellectuelle Hanna Arendt entre autres, elle ne cesse d’interroger dans cet essai la notion de mal et explique comment ce fait divers est devenu fait de société.
Le coeur noir du fait divers c’est la bascule. Mécanisme qui réussit le paradoxe d’être sidérant et si humain à la fois.
Le viol est le seul crime dont l’auteur se sent innocent et la victime coupable (Antoine Garrapon, magistrat).
Si la figure de l’accusé est toujours décevante au final (même constat que lors du procès des attentats du Bataclan, lorsque les accusés ont pris la parole dans le livre d’Emmanuel Carrère, V13), Claire Berest souligne combien Gisèle Pélicot, en levant le huit clos, et par son attitude lors du procès, s’est redressée « En se relevant, elle nous a relevés à notre tour, elle nous a nourris. «
A quatre pattes

Je pensais rire un peu avec A quatre pattes de Miranda July. Au départ je trouvais assez amusant que cette mère de famille d’une quarantaine d’années, partie pour un road trip à New York, s’arrête dans un motel à la première sortie d’autoroute en faisant croire à son mari qu’elle était sur la route. Quand elle a commencé à claquer la somme qu’elle venait de gagner (j’avoue que je n’ai pas compris ce qu’elle faisait précisément dans la vie, si ce n’est qu’elle était en rapport avec des artistes) en redécorant sa chambre d’hôtel, j’ai été un peu dubitative. Je pensais qu’elle allait s’éclater avec ce jeune homme rencontré dans une station service mais la chair doit être triste car à la page 221, ces deux là, pourtant fous de désir (et d’amour ?) ne s’étaient toujours pas touchés l’un l’autre.
Fallait-il que j’aille jusqu’au bout pour trouver ce roman aussi réjouissant que la critique et la presse américaine ? Si vous l’avez lu, n’hésitez pas à me dire ce que je n’ai pas compris ou pourquoi je suis passée à côté.