C'est un beau roman

Coup de coeur livre : Le discours de Fabrice Caro

D’habitude les livres que je n’ai pas envie de reposer mêlent petite et grande histoire, sont des sagas ou des romans choraux. Rien de tout cela avec Le discours de Fabrice Caro et même plutôt le contraire : unité de temps, unité de lieu, unité de décor, tout se passe dans la tête du personnage principal, le même jour, dans un même lieu, au cours d’un repas familial.

Le point de départ de l’histoire ? Une demande de discours à Adrien, le personnage principal et le narrateur, de la part de son futur beau-frère pour le mariage de sa soeur. Comme Adrien est plutôt un « looser » (dans lequel je me reconnais sur de nombreux points, je ne vous en ferai pas la liste )), l’idée de parler en public le plonge dans un grand désarroi, début d’un monologue intérieur qu’on imagine très bien façon stand up.

Adrien n’attendrait pas désespérément le SMS de sa petite amie Sonia, qui lui a imposé « une pause », son regard sur son environnement serait moins sévère. Mais là tout l’agace, tout le déprime et c’est très drôle (en tous cas pour moi).

Et je réalise tout à coup l’incongruité de ma ponctuation : pourquoi un point d’exclamation à la fin de bisous ? Pourquoi cet emballement soudain ? Ce point d’exclamation délivre un message inverse à celui souhaité : ce point d’exclamation est une demande, une supplique, un cri de douleur, il mendie une réponse, il quémande de l’amour, c’est de la ponctuation de genou à terre, il hurle Sonia, bordel, qu’est ce que tu fous ! Réponds-moi ! Tu vois pas que je suis malade de chagrin, que je n’y arrive pas sans toi, que tout est vide et fade et sans le moindre sens. Il se veut festif et léger mais il n’est que larmoyant et inquiet.

J’ai ri en repensant à mes cours d’E.M..T (sigle que seuls les gens de mon âge peuvent comprendre)). Pas de porte serviette à mon actif mais un vide poche assez informe fabriqué pendant le cours de poterie (on était très loin de Ghost pour celles qui ont fantasmé sur la scène des mains dans la glaise) que ma mère a gardé sur son bureau jusqu’à sa retraite.

J’ai ri quand Adrien lit l’horoscope de Marc Angel et interprète chaque mot, chaque phrase parce que je lis toujours mon horoscope en espérant qu’il ne m’annonce que des choses positives (décrocher la mission de mes rêves, faire tourner toutes les têtes autour de moi) tout en sachant pertinemment que toutes les Vierges de France et de Navarre ne peuvent pas vivre ce qui est résumé en un court paragraphe au même moment.

J’ai ri si souvent en lisant Le discours de Fabrice Caro que je me suis dit que cela arrivait rarement (hormis peut être avec de la BD), très rarement même. Alors non ce n’est pas une grande fresque, non cela n’est pas animé d’un grand souffle romanesque mais je suis arrivée à une période de ma vie où je profite de chaque minuscule moment de plaisir et en lisant Le discours, des minuscules moments de plaisir j’en ai eu plein. Je n’avais plus du tout envie de lâcher ce livre une fois ouvert et finalement ce qui m’importe le plus quand je lis, c’est le plaisir de lecture procuré plus que l’ambition du livre.

Fabrice Caro n’est pas sans me rappeler Philippe Jaenada. Il maîtrise très bien les digressions (si vous n’aimez pas cela, fuyez), tout en retombant toujours sur ses pieds. Il joue avec le lecteur en créant des références au début du roman qui reviennent et s’insèrent de manière naturelle dans d’autres scènes et c’est assez jubilatoire.

Le discours de Fabrice Caro aurait pu tomber dans un certain cynisme car il se moque de pas mal de conventions mais le roman fourmille de petits détails qui montre la tendresse sous le regard mordant.

La descente du « Mon cœur d’amour » à Adrien est une piste noire verglacée qu’on descend sur les fesses, sans pouvoir rien faire d’autre qu’attendre d’être en bas, passif et résigné.

Avant d’écrire ce roman, Fabrice Caro a été un auteur prolixe de bandes dessinées. Comme j’avais été enthousiasmée par Le discours, j’avais envie de lire plus de livres de cet auteur. J’ai commencé par Zaï Zaï Zaï Zaï, dans lequel le facteur identification est absent et l’humour beaucoup plus absurde. Cela dit, c’est souvent drôle alors en cas de blues hivernal, je vais me prévoir quelques doses de Fabrice Caro.

Et vous, quel est le dernier livre qui vous a vraiment fait rire ? 

 

 

3 Comments

  1. Je vais tester ce livre. Il est rare qu’un livre me fasse rire… mais ton article m’a fait sourire en parlant d’E.M.T 🙂

  2. Pingback: Samouraï, le dernier roman de Fabrice Caro à ne pas rater

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