C'est un beau roman

Grand frère : le premier roman percutant de Mahir Guven

Je ne sais pas trop pourquoi Grand frère a atterri en haut de ma pile de livres à lire. Sûrement parce qu’il y a de sacrés pointures côté auteurs chez Philippe Rey (je pense en particulier à Joyce Manard et à son dernier livre Un jour tu raconteras cette histoire mais aussi à ses précédents titres, il me reste à lire d’elle Les règles d’usage ou à Joyce Carol Oates entre autres ) même si cela n’est pas une raison suffisante.

Peut-être que j’ai été intriguée par le titre, Grand frère, l’histoire de deux frères franco-syrien, tous les deux coincés entre deux cultures et à la recherche de leur identité. Grand frère est au volant d’une voiture pour une société équivalente d’Uber (alors que son père est taxi !) 11h par jour. Petit frère est infirmier dans un hôpital. Sans grande perspective d’évolution et en quête d’un sentiment d’utililité, il part soigner des gens à l’étranger en Syrie avec une organisation qui s’avère être proche d’un réseau terroriste.

5 raisons de lire Grand Frère

▼Avant même l’intrigue, la force de ce roman est sa construction. L’auteur alterne la voix du Grand frère et celle du Petit frère mais aussi réflexions présentes et souvenirs.

▼Si j’ai tout de suite accroché (il y a quand même un certain  nombre de livres où il faut un moment pour vraiment rentrer dedans), c’est parce que le style de l’auteur est réellement percutant. Pas de clichés, pas de fausses notes (l’auteur parle de son vécu,  de mère turque et de père kurde, il est né en 1986 sans nationalité -je percute soudain sur son année de naissance et je me dis waouh quel style si jeune !-, il a habité à Nantes entre ville et campagne puis en région parisienne) et un vrai sens de la formule.

Dans la vraie vie, jusqu’à la guerre en Syrie, on était plus banlieusard qu’autre chose. Mais depuis tout le monde se dit musulman.

Pas de colonne vertébrale: ni vraiment français, ni vraiment syriens, ni vraiment autochtones, ni vraiment immigrés, ni chrétiens, ni musulmans. Des métèques sans savoir pourquoi on l’est. Mon père a pas raconté sa moitié de l’histoire, du coup il manque des épisodes et on imagine le reste. […] Comment retrouver son chemin quand on ne sait pas d’où l’on vient ?

 

▼ A travers l’histoire de ses deux frères, l’auteur aborde de nombreux sujets (rapport à la religion; ubérisation de la société; racisme ordinaire..) et pose tout un tas de questions (peut-on trahir son frère pour sauver sa peau ? qu’est ce qui donne du sens à la vie ? comment construire son identité avec deux cultures différentes ?) bref Grand frère est un roman riche.

▼ Une raison peut être plus personnelle est que je suis « intriguée » par ces jeunes qui pensent trouver le paradis en Syrie. L’essai de David Thompson, « Les revenants«  est très intéressant sur ce sujet. Or Petit frère est un revenant et à travers son personnage, on touche du doigt des motivations possibles, un cheminement personnel mais aussi le fossé entre ce « rêve » et la réalité d’un pays en guerre.

▼ Enfin l’auteur instille le suspense dans la seconde moitié de son roman quant au devenir du frère et m’a piégé en semant certains indices. Je n’en dis pas plus mais quand on ne voit pas venir un twist, c’est un grand plaisir de lecture !

Alors envie de lire le parcours de ces deux frères ?

NB : J’ai appris après l’avoir fini que Grand frère avait obtenu le prix Goncourt du premier roman

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