C'est un beau roman

Une chanson douce : déconseillé aux futurs et jeunes parents

Une personnalité désaxée ne se cache pas derrière chaque nounou mais après la lecture de Chanson Douce, impossible de ne pas se demander qui est celle (derrière la surface) à qui vous confiez un jour ce qui vous est le plus cher. Je ne sais pas comment j’aurais « reçu » ce livre avant d’avoir des enfants ou à l’époque où je cherchais un mode de garde (j’ai eu la chance d’avoir une place en crèche pour mon fils mais pas pour ma fille dont la première nounou était pour le moins « spéciale » mais c’est un autre sujet).

Est ce parce qu’on connait dès le début du livre le dénouement atroce et tragique de l’histoire, qu’on retient son souffle pendant toute la lecture ? En construisant ainsi son récit, Leïla Slimani place son lecteur dans la position non pas des parents qui organisent leur vie essentiellement autour du travail et qui sont prêts à se laisser quasiment totalement guidés par une personne dont ils ne savent par ailleurs pas grand chose mais dans celle d’un observateur extérieur qui guette les moindres signes de folie, de violence de Louise, la nounou.

La force d’une Chanson Douce est d’insuffler un suspense et un malaise croissants sans jamais jouer les coups de théâtre, les passages démonstratifs mais au contraire en gardant un regard quasi clinique. Leïla Slimani, au fil des pages, sème des tout petits cailloux qu’on aimerait ramasser et brandir aux yeux des parents.

Ces parents sont-ils aveugles parce qu’ils trouvent un confort qui les arrange dans une vie si ordonnée et rangée depuis que Louise en fait partie ? ou parce que les signaux sont si tenus que les doutes s’évaporent aussi vite qu’ils sont arrivés ?

Logiquement c’est le personnage de Louise qu’on devrait trouver le plus antipathique, pourtant la condescendance des parents vis à vis de cette femme marque tout autant.

Louise se précipite dans la cuisine et elle est accueillie par des bravos en entrant dans le salon, son plat à la main. « Elle rougit », s’amuse  Paul, d’une voix trop aiguë.  Pendant quelques minutes, Louise est au centre de l’attention. « Comment a t elle fait cette sauce ?  » « Quelle bonne idée le gingembre ! ». Les invités vantent ses prouesses et Paul se met à parler d’elle -« notre nounou »-comme on parle des enfants et des vieillards, en leur présence.

Ces parents sont si autocentrés sur leurs petits problèmes qu’ils ne se demandent jamais pourquoi Louise reprise tout, ne jette pas le moindre déchet, ils ne se demandent pas comment elle s’en sort financièrement et sont même étonnés un matin où elle est absente d’apprendre qu’elle est tout simplement malade.

Et si Chanson Douce était finalement un drame social, celui d’une femme isolée par sa pauvreté, vivant sa vie par procuration et obsédée par l’idée que la seule bouée qui la maintient la tête en dehors de l’eau pourrait soudain se dégonfler ?

Si le titre de ce roman évoque une berceuse célèbre, c’est peut être parce que Louise arrive à envoûter son petit monde peu à peu mais ne comptez pas sur ce livre pour vous endormir rapidement.

9 Comments

  1. Tu tombes à pic ! Je cherchais ma prochaine lecture… hop, acheté ! 😉 J’aime beaucoup les romans qui jouent sur la dimension psychologique et ta chronique donne envie d’ouvrir le livre sans attendre.

    • ah oui ? je crois que les gens lisent plus à Paris qu’à Lyon (temps de trajet trop court peut être )

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