C'est un beau roman

Americanah : mon dernier roman coup de coeur

Je crois que je n’avais pas été autant enthousiasmée par un roman depuis longtemps. Cette déclaration va peut-être vous paraître étrange parce qu’en général quand je parle de livres sur le blog c’est en bien (ceux qui m’ont glissé des mains, je n’ai pas envie d’y consacrer tout un article). N’empêche qu’Americanah est mon gros coup de coeur du début d’année 2015. J’étais contente de savoir qu’il m’attendait sur ma table de chevet, j’en ai fait durer la lecture pour rester le plus longtemps possible avec les personnages comme lorsqu’on regarde une série et qu’on se dit, lors du dernier épisode, « déjà ? ».

Americanah est l’histoire d’une jeune femme, Ifemelu, qui quitte le Nigeria, pour aller faire ses études à Philadelphia et c’est dans cette ville qu’on fait sa connaissance dans les premières pages du roman avant d’en savoir plus sur sa famille, son pays d’origine, son grand amour qu’elle a laissé derrière elle à travers différents flash-back. Pendant 15 ans (construire une histoire sur un temps aussi long, en suivant alternativement plusieurs personnages, voilà une des forces de ce livre et une des choses qui le rend si attachant), on suit le parcours, les défaites et les réussites, les histoires d’amitié et d’amour d’Ifemelu jusqu’au jour où celle-ci finit par décider de revenir chez elle à Lagos.

Si je devais donner un sous-titre racoleur à Americanah, espérant qu’on n’en parle un peu plus, ce serait peut-être 50 nuances de racisme. Même si ce serait très réducteur car le roman est incroyablement riche et ne se résume pas à ce thème, jamais je n’avais lu un livre qui montre si bien et concrètement ce qu’est le racisme sans être didactique. En tant que brune à la peau très claire, je ne pourrais jamais savoir ce que c’est que d’être traitée différemment, stigmatisée, réduite à des caractéristiques si ce n’est par procuration mais grâce à Chimamanda Ngozi Adachie j’ai pu comprendre combien le racisme était le plus souvent insidieux, non frontal. Il se glisse dans des sous-entendus, des réflexions, il prend la forme de la commisération, d’une certaine charité parfois, de règles tacites comme celles de se lisser les cheveux pour avoir toutes les chances de trouver du travail.

Un homme de forte carrure, au teint rougeaud, se tenait sur le seuil, chargé d’appareils de nettoyage, une partie suspendue à son épaule, un engin qui ressemblait à une tondeuse à gazon posé à ses pieds.
Il se raidit quand il la vit. La surprise envahit son visage, avant de se charger d’hostilité.
« Vous avez une moquette à faire nettoyer ?  » demanda-t-il comme si cela ne l’intéressait pas, comme si elle pouvait changer d’avis, comme s’il souhaitait qu’elle change d’avis. Elle le regarda, d’un air moqueur, prolongeant un moment lourd de suppositions : il pensait qu’elle était la propriétaire de la maison, et elle n’était pas la personne qu’il s’était attendu à trouver dans cette grande maison de pierre encadrée de colonnes blanches.
« Oui, dit-elle enfin, soudain lasse. Mme Turner m’a prévenu de votre passage. »
Comme par magie, toute hostilité quitta l’homme. Son visage se liquéfia dans un sourire. Elle aussi était employée. L’univers était à nouveau organisé comme il devait l’être.

Une autre des grandes forces de ce roman est de mélanger grande histoire (les élections d’Obama dont l’analyse est très intéressante) et la « petite » histoire, celle d’Ifemelu confrontée à la discrimination alors qu’elle ne s’était auparavant jamais posée la question de la couleur de sa peau (elle décide d’ailleurs d’ouvrir un blog pour partager ses réflexions, une façon adroite d’aborder le sujet sans alourdir l’intrigue) mais aussi celle de sa tante et de son fils qui habitent aux Etats-Unis, celle d’Obinze, son amour de jeunesse. On sent, à travers l’écriture, qu’Adichie aime chacun de ses personnages, c’est sûrement pour cela qu’il est difficile de leur dire au revoir.

Adichie est à la négritude ce que Philip Roth est à la judéité : l’avocate la plus ardente, la critique la plus féroce. / New York Magazine

Je ne sais pas si dans la vie l’auteur ressemble à la jeune femme qu’elle décrit, si elle a ce ton piquant, irrévérencieux, si elle a le même humour, cet élan vers les autres, cette détermination. En tous cas comme elle, elle est partie aux Etats-Unis, et peut-être s’est-elle demandée aussi comment rester soi-même sur un nouveau continent (elle raconte que pas mal d’afro-américains adoptent un accent américain très marqué).Trop africaine à Philadelphia, Ifemelu est  « l’américaine » quand elle revient au Nigeria.

Enfin j’ai vibré pour le côté très romanesque de l’histoire entre Ifemelu et Obinze, séparés par les aléas de la vie, aimant d’autres personnes mais ne cessant jamais de penser l’un à l’autre en 15 ans. Forcément j’ai lu le livre en étant curieuse de savoir s’ils allaient finir par se retrouver.

Bref j’espère vous avoir donner envie de lire Americanah !

30 Comments

  1. Je te rejoins à 200% 🙂 !! et pour avoir assisté à une rencontre, l’auteure est passionnante, je pense qu’on va beaucoup entendre parler d’elle !

    • cela devrait très intéressant cette rencontre, maintenant je vais voir si je trouve ces autres titres !

  2. J’ai entendu parler de ce livre, ta description me donne encore plus envie de le lire, mais je vais devoir attendre de rentrer en France pour me le procurer!

  3. J’ai vu passer un article sur l’auteure de ce livre et ça m’avait donné envie de le lire. Ton commentaire ne me donne que plus envie 🙂

  4. J’avais découverte ce roman et son auteure il y a quelques semaines dans la Grande Librairie et ça m’avait déjà bien tenté… Mais ma PAL est trop grande, je dois me restreindre si je veux avoir une chance de la faire baisser! 😉

  5. Je ne cesse d’entendre parler de ce roman et il m’intrigue de plus en plus. J’ai beaucoup aimé l’idée de le renommer avec ce titre « tendance » et plein de sens. Je pense me le procurer très rapidement, il le faut.

  6. Je note, j’ai besoin d’une histoire forte (et j’en ai marre des polars).
    Je n’en avais jamais entendu parler, merci.

  7. Adichie maîtrise la plume, c’est certain. Americanah n’est pourtant pas le roman que je préfère. Half of a Yellow Sun et Purple Hibiscus (désolée je ne connais pas les titres en français) sont mes préférés ! J’ai beaucoup aimé sa façon de développer les personnages. Elle a beaucoup de talent. J’ai également apprécié son recueil de nouvelles.

    • du coup tu me donnes carrément envie de lire ses autres titres ! (bon par contre je ne suis pas branchée nouvelles )

  8. Je suis avec plaisir votre blog. Ce billet m’a donné vraiment envie de lire Americanah. J’ai terminé le bouquin hier et j’ai adoré. Je partage votre coup de coeur. Merci à vous, merci pour cette découverte, merci pour le partage

    • ravie que le livre vous ait plu, il restera parmi mes lectures très marquantes et que j’ai envie de conseiller souvent

  9. Je t’avais dit que je ferai un commentaire une fois le roman terminé.J’ai adoré l’écriture d’Adichie et je ne me suis jamais ennuyée pendant les 520 pages. Chaque soir,lovée sous ma couette,j’étais ravie de retrouver Obinze et Ifemelu,que je trouvais attachants. Si on avait la possibilité magique de rencontrer des personnages de romans, j’hésiterai pas.C’est ces 2 là que je choisirai pour parler avec eux de Lagos,du Nigeria,de littérature anglaise mais surtout de la race.Merci pour le partage!

    si j’avais une baguette magique.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.